Philippe EZEGHIAN, Analyste gérant et Responsable de la gestion actions SMA Gestion apporte son analyse et éclairage quant à l’impact de la Covid sur le secteur pharmaceutique.
Dans quelle mesure le secteur a‑t‑il bénéficié de la crise sanitaire ?
Philippe EZEGHIAN : Contrairement à une idée reçue, la crise sanitaire a eu globalement un effet négatif pour le secteur pharmaceutique. Le virus Covid impacte principalement les personnes très âgées et celles à pathologies chroniques (diabète, maladies cardiovasculaires, cancers, affections pulmonaires et insuffisance rénale chronique). Ces populations sont quatre fois plus consommatrices de soins de santé que le reste de la population. Or, les mesures de confinement et la crainte de la contamination ont réduit de manière drastique le nombre de consultations de ces personnes à risque pour le diagnostic/détection, suivi ou l’initiation de nouveaux traitements pour leurs pathologies chroniques (en particulier en oncologie et cardiologie). A de rares exceptions, essentiellement dans le secteur des diagnostics (grâce aux tests Covid), ces entreprises se sont vues amputées d’environ la moitié de leur croissance organique annuelle (soit de l’ordre de 2 à 3 points) !
Néanmoins, d’un point de vue boursier, le secteur de la santé a particulièrement bien résisté durant la phase de stress de marché en mars et en avril avec une baisse limitée à 18 % contre 35 % pour le Stoxx 600, grâce notamment à la visibilité et la récurrence qu’offre ce secteur.
La crise du COVID a‑t‑elle changé la perception de ce secteur ?
Philippe EZEGHIAN : La question de l’innovation et de la valeur du service médical rendu du médicament fait débat depuis plusieurs années (prix élevé du Sovaldi, traitement de Gilead contre l’hépatite C, hausse de prix hors norme chez Turing) et génère une mauvaise presse. De plus, dans un contexte de fragilité des systèmes de santé publique, le secteur du médicament est soumis à une pression tarifaire continue, similaire à celui des produits de consommation courante.
Or, la crise Covid a montré qu’il n’y avait pas de vie économique normale possible sans les entreprises du secteur santé. Cette crise constitue une formidable vitrine de la capacité du secteur pharmaceutique à innover et de sa réactivité à répondre à l’urgence sanitaire. Le revers de la médaille est que la vitesse de conception des nouveaux vaccins et les essais cliniques raccourcis ont parallèlement suscité une méfiance, voire un rejet d’une partie de l’opinion publique, considérant que cette crise constituait d’abord une opportunité financière pour les « Big Pharma », tout en les dédouanant de leur responsabilité en cas de préjudice sanitaire.
Quelles peuvent être les conséquences de cette crise atypique sur ces acteurs ?
Philippe EZEGHIAN : Cette crise particulière joue un rôle de révélateur pour les acteurs les plus agiles et les plus innovants et a contrario ceux qui ne le sont pas. Les acteurs du diagnostics (bioMérieux, Qiagen, DiaSorin…) ainsi que certains labos pharma (notamment les biotechs BioNtech et Moderna) ont montré leur agilité (moins d’un an pour mettre au point un vaccin et le produire ; quelques semaines pour un diagnostic).
Leur capacité d’innovation absolument remarquable détonne par rapport aux grands acteurs traditionnels (notamment GSK, Sanofi, Merck dans les vaccins). Le vaccin à ARN messager jusque là restreint aux tests sur le cancer et sur des virus sans remède connu (Ebola, Sida, Marburg, Zika), trouve avec la Covid son premier déploiement de masse avec des taux de protection au-delà de toute espérance (> 95 %), et ouvre à cette technologie la voie vers de nouvelles applications. Jamais un virus n’aura été autant étudié et aussi vite, ce qui ne manquera pas de changer profondément l’organisation de la recherche médicale dans les années à venir.
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Les informations présentées se fondent sur la réglementation en vigueur au 16/04/2021. Elles ne constituent pas un conseil ou un avis fiscal ou juridique.